La lettre pour
EUROCONTROL

 

10 - 12 juillet 2016

Just Culture: qui veut-on protéger ?

En discussion depuis des mois, un nouveau Règlement d’Application concerne la mise en place de la Just Culture au sein de l’Agence. Pour bien saisir les enjeux de ce nouveau règlement d’application, commençons par rappeler ce qu’est la Just Culture.

La Just Culture est avant tout un système protecteur qui vise à développer un environnement de travail non punitif pour permettre aux professionnels de l'aviation situés en première ligne de notifier les événements présentant un risque important pour la sécurité aérienne. L'expérience a montré en effet que les accidents étaient souvent précédés d'incidents et de défaillances qui révèlent l'existence de dangers pour la sécurité. Il s’agit donc de mettre en place un système de « reporting proactif » de données probantes pour analyser le risque et prendre les mesures nécessaires afin de pouvoir apporter toute mesure corrective et contribuer à améliorer la sécurité aérienne. L’objectif final est la prévention des risques. La Just Culture ne doit pas être utilisée pour attribuer une faute ou une responsabilité ou pour établir des comparaisons des performances en matière de sécurité.

Le statut de la réforme est précis quant à son périmètre qui consiste à cibler les activités essentielles à la sécurité de la navigation aérienne :

Extrait – Article 22 quinquies du texte de la Réforme
« Le champ d'application d'une culture juste englobe tous les membres du personnel (aussi bien opérationnel que non opérationnel) prenant part à des activités essentielles pour la sécurité de la navigation aérienne ».

et la réglementation Européenne sur laquelle s’appuie la mise en place de la Just Culture (No 376/2014 du 3 avril 2014) est claire quant à son objectif :

«Le système de sécurité de l'aviation civile repose sur les retours d'expérience et les enseignements tirés des accidents et incidents. Les comptes rendus d'événements et l'utilisation des informations sur les événements aux fins d'améliorer la sécurité se fondent sur une relation de confiance entre le notifiant et l'entité responsable de la collecte et de l'évaluation des informations…
…Pour faire en sorte que les membres du personnel et le personnel sous contrat aient confiance dans le système de comptes rendus d'événements de l'organisation, les informations contenues dans les comptes rendus d'événements devraient faire l'objet d'une protection adéquate et ne pas être utilisées à d'autres fins que le maintien ou l'amélioration de la sécurité aérienne.»

Mais le règlement d’application que l’on veut nous imposer est une véritable nébuleuse dont on peut se demander qui du personnel ou de l’Agence il cherche à protéger. Depuis des mois, les partenaires sociaux n’arrivent pas à se mettre d’accord avec l’Administration sur qui est concerné par cette Just Culture.

Les questions qui devraient nous interpeller :

• Pourquoi négocie-t-on avec un cabinet d’avocats extérieur à l’Agence, supposé spécialisé en Safety, alors que nous avons des experts reconnus dans l’Agence ? Aurions-nous peur de leur avis ?

• En quoi les non opérationnels sont concernés ? Sur quoi devront-ils faire du reporting ?

• Pourquoi la Just Culture ne s’inscrit pas dans la mise en place d’un SMS (Safety Management System), préalable indispensable à une gestion globale de la safety ?

• Pourquoi l’Administration envisage-t-elle deux procédures d’enquête séparées, une Safety, une Just Culture alors que la réglementation Européenne recommande d’utiliser ce qui existe déjà ?

• Le staff qui fait du reporting sera protégé, nous dit-on. Mais celui qui par ignorance ou par omission ou simplement parce qu’il ne fait pas le lien entre son travail quotidien et l’accident d’avion aura omis de faire du reporting, sera-t-il alors mis sur le banc des accusés et passé à la moulinette du « Conseil de Discipline » ? Qui sera là pour le défendre et l’assister ?

• Et que devient la chaîne des responsabilités hiérarchiques dans tout ce processus ?

• Est on certain que ce processus ne va pas engendrer une dispersion et/ou une mauvaise utilisation des ressources d’analyse de ce reporting, loin d’améliorer la sécurité aérienne?

Ce projet qui cherche à étendre le processus à toutes les activités, y compris les activités administratives liées au ‘matériel’ de l’Agence, s’éloigne de son sens profond, l’amélioration de la sécurité aérienne. Ceci nous inquiète fortement car nous laisse à penser qu’un autre but est recherché.

Nous demandons que ce nouveau règlement ne concerne que ce qui ressort effectivement des principes fondateurs de la Just Culture, c’est-à-dire les activités des personnes en première ligne dans la circulation aérienne.

 


Adhérez maintenant !

 

UNION FOR UNITY – U4U
Éditeur: Georges Vlandas
Comité de Rédaction: Anne Baleras, Pierre Loubières, Jean-Paul Soyer

Our web site     Contact us     Unsubscribe